
Tarifs
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De plus en plus souvent, quand un éditeur ou un commanditaire me contacte, il me demande d’indiquer mes tarifs. Et cela même souvent avoir d’avoir énoncé ou détaillé le travail à réaliser. Je suis toujours complètement désemparé. Comment dire, je n’ai pas de grille tarifaire, je n’en ai jamais eu et j’espère ne jamais en avoir une. Tout simplement car je considère que je ne réalise pas quelque chose de reproductible à l’infini de manière systématique. Chaque illustration, chaque projet est unique. Je ne produis pas des tomates à la chaine ou des boîtes de petits pois identiques et toutes calibrées d’après un modèle unique. Non, chaque nouvelle collaboration a une empreinte particulière, une ambiance singulière, un certain intérêt. Aligner des tarifs signifierait, en caricaturant, que je fonctionne en calculant le prix de l’illustration au cm² ou en me lançant dans des calculs d’apothicaire de rendement, rentabilité.
Je n’aime pas ce procédé. Je préfère toujours que l’éditeur avance une proposition de budget en premier, des détails permettant d’évaluer la charge de travail, le contenu des images, le temps alloué à sa réalisation, la diffusion et l’exploitation du produit. Ensuite à moi d’estimer sa complexité, l’intérêt que je porterai ou non à ce projet, ce qu’il m’apportera ou non sur mon petit bonhomme de chemin, un dialogue à sens unique ou non, peu ou beaucoup d’exigences, qui se trouve en face de moi, un travail en confiance ou non, etc. Là, je serai en mesure d’estimer si la proposition tient la route, si le projet est en équilibre. Il arrive très souvent – et la plupart du temps – que cela me convienne tel quel, heureusement. Sinon je suis ouvert à la discussion. Par exemple, si le budget me semble un peu faiblard en fonction de la charge de travail ou des exigences et si l’éditeur ne peut proposer mieux, je demanderai alors plus de temps ou peut-être une plus grande marche de manœuvre. Il m’est aussi arrivé de demander d’être payé plus car j’estimais que le temps imparti était insuffisant ou les conditions un peu trop difficiles pour travailler dans de bonnes conditions. Un projet c’est un tout, une grande équation et il faut trouver le bon équilibre entre toutes les facettes. Mais je ne peux résumer la réalisation d’une illustration à un simple prix, dans l’absolu du genre ok un A4 c’est x euros, un A3 c’est comme ça, un cabochon ainsi…
Bien entendu, j’ai une idée en tête de ce que vaut mon travail et mes images, j’ai des limites au-dessous desquelles je ne m’aventurerai pas. Je me dis que c’est plus sain de fonctionner ainsi. Je ne me ferme jamais de portes et reste ainsi toujours ouvert à la discussion. En fait, ça m’agace de réduire tout ça à des chiffres, du commerce basique. Je crains aussi qu’en alignant des tarifs, cela puisse dérouter ou désarmer certains commanditaires ou éditeurs alors que, suivant le projet proposé, les interlocuteurs, leur flexibilité, je serai tout à fait prêt à faire des efforts. Il est évident que travailler avec un éditeur qui arrose abondamment c’est mieux, plus agréable, héhé. En revanche, il m’arrive souvent de travailler pour d’autres, moins fortunés, parce que le projet en valait vraiment la chandelle, bien dans mes cordes, me permettant d’ajouter une belle pièce à mon petit édifice, que les personnes étaient à l’écoute et respectueuses, conscientes de la situation en me laissant, par exemple, une très grande marge de liberté et d’interprétation du travail à réaliser ou beaucoup de temps.
C’est vraiment délicat et parfois à double tranchant comme je l’écrivais ici, en fin de message. Ebloui par des noms prestigieux, Starship Troopers, Shadowrun, je me suis lancé dans des aventures hasardeuses dans des contextes inacceptables. Aventures qui se sont d’ailleurs soldées par de douloureux écueils. Mais, avec le temps et le recul, je me dis que même si je me suis royalement fait bananer financièrement, que j’ai certainement perdu beaucoup de temps et d’énergie et bien, finalement, après réflexion, il en reste quand même quelque chose de positif qui peut m’ouvrir d’autres portes : des illustrations que je n’aurais certainement pas pu réaliser ailleurs ni autrement et quand même un petit reste de l’affiche prestigieuse. Délicat donc.
Pour finir, je me pense sur la voie du travailler mieux pour gagner plus. J’ai remarqué et cela se confirme au fil de mes commandes, que plus je tends vers une certaine qualité, un certain rendu, une certaine exigence, un certain savoir-faire et plus on me propose des budgets conséquents. Cela va de soi il me semble et les éditeurs – sérieux – ont bien la tête sur les épaules sachant estimer un travail à sa juste valeur. C’est une certaine forme de reconnaissance qui me fait plaisir et me pousse à aller encore et toujours plus en avant. Je me dis finalement que les illustrations parlent d’elles-mêmes et ne pas avancer de tarifs permet aussi de savoir ce que pense la personne en face, ce qu’elle a derrière la tête et comment elle évalue ce qui lui est présenté. Ce qui peut se révéler salvateur quand on est dans le doute 😉
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Et tu ne t’es jamais posé la question du “temps” que tu passais sur une image ? Parce qu’il me semble que le travail d’édition comme on le connaît aujourd’hui découle du travail publicitaire, non ? Auquel s’applique un tarif horaire… Donc, on peut te payer en fonction du temps passé sur une image et non pas sur la qualité, la quantité, les détails etc… Ce qui peut faire une sacrée différence entre certains éditeurs qui ne jugent que le format et d’autres qui jugent la talent, la créativité, l’originalité… Enfin, je dis ça à chaud comme ça, hein ?!?
En fait, à chaud, héhé, j’ai du mal à faire entrer le temps passé sur une image dans l’équation. Cela dépend trop du sujet et de l’intérêt que je vais porter à l’image, la lumière du jour, mon moral, etc. Et puis passer beaucoup de temps ne signifie pas forcément une qualité meilleure. Il m’est arrivé de faire de jolies choses en très peu de temps sur des projets qui me semblaient complexes et j’ai pu batailler des jours et des heures sur d’autres qui me semblaient plus fastoches…
Et il est bien difficile d’évaluer aussi le temps de réflexion, préparation, etc. L’exécution seule de l’image ne peut entrer en compte, il me semble 😉
Pffff oui, donner un prix aux illustrations… C’est une vraie plaie… Dans le cadre de mon travail d’illustration naturaliste, je me dois de répondre souvent du tac au tac à des collectivités territoriales qui vont même jusqu’à parfois décider du contenu seulement une fois les tarifs donnés… Quant aux appels d’offre…
Résultat, quand le moment arrive où je dois annoncer les tarifs, c’est souvent une corvée. Je me base, grosso modo sur le temps, et parfois la peine, que j’estime devoir passer sur chaque type de commande. Je n’ai pas toujours l’assurance nécessaire pour imposer mes propres façons de fonctionner, c’est-à-dire évaluer le projet avec du recul et toutes les données en main. En plus, sur ce type de contrat, plusieurs illustrateurs sont sollicités, et il existe réellement une prime à la rapidité et à la précision de la réponse.
J’imagine que le problème est différent quand on est sollicité en tant qu’individu, quand le commanditaire, en amont, choisit que de toute manière il VOUS veut pour ses illustrations, et qu’ensuite il vous propose sont projet.
En tout cas, c’est très intéressant de voir comment tu te dépatouilles de cet éternel souci. Ta démarche m’a l’air bien réfléchie, et il faut bien dire que l’expérience et le bon sens ont l’air d’y tenir bonne place…
Effectivement appliquer un tarif a une illustration se revèle etre souvent un vrai casse tete et la question “est ce que je ne sous évalue pas mon travail” devient récurente. Il faut savoir jouer des coudes pour ne pas par dépit se voir trop souvent brader son travail. J’aurais tendance a penser comme vous dans l’ideal et je souhaite de tout coeur que la qualité continuera de primer sur la quantité, et qu’elle continuera ainsi de se payer à sa juste valeur.
Je crois que nous sommes vraiment très nombreux dans la situation que tu décris, là, Vincent…
C’est simple, j’avais l’impression de lire mes propres pensées…
Mais existe une solution ? pas plus qu’il n’existe de grille tarifaire, je le crains ^^
En effet. Question vitale. Et c’est toujours si dur de justifier tel ou tel tarif. Un client va te dire “mais ce n’est qu’un petite” ilus de rien c’est cher.” Il ne se rend pas compte du travail en arrière plan.
Combien de fois ai-je entendu “fais un truc simple très stylisé, ce sera plus rapide”…. alors qu’on sait bien que c’est le contraire. Styliser demande beaucoup plus d’expérience et d’habitude que le réalisme.
Pas simple du tout
Moi je demande toujours une somme exorbitante en petites coupures, comme ça si ça marche je pars à la retraite aux îles caïmans.
Si vous aviez un vrai boulot, vous n’auriez pas ce genre de problèmes.
héhé
Pourquoi tu ne leur propose pas quelque chose d’indicatif, pour qu’ils puissent se repérer ?
Par exemple, pour une illustration A4 avec un descriptif précis nécessitant peu de recherches parce que tu connais déjà bien le sujet, avec peu de liberté créative, tu prends X euros environ, si tu as le temps, et Y euros environ si c’est urgent et que tu es déjà chargé. Si c’est un éditeur pauvre laissant une grande liberté créative et que tu as le temps, il a droit à une décote fronction de ses revenus et du nombre de personnes à charge.
Par exemple :
Prix = Taille de l’illustration * (nb estimé d’heures de documentation / nb moyen d’heures de documentation en général) * (1 + nb d’heures de travail nécessaire/nb d’heures disponibles) * (1 + x si beaucoup de contraintes créatives – x si beaucoup de liberté créative) * (degré moyen de sympathie d’un éditeur/degré de symathie de l’éditeur) * (Nb d’enfants par éditeur/nb d’enfants de l’éditeur)
Et puis si un éditeur a le triple de ce que j’avance dans sa poche, il va me dire, c’est chouette vous me faites faire de belles économies. Si bien sûr il me le dit, héhé 🙂
Ca m’est arrivé plusieurs fois qu’on me propose des budgets dépassant – très – largement ce que je touche d’habitude et ce que j’imagine ou envisage. Heureusement que dans ces cas-là je me la suis bouclée…
Dans tous les cas, mieux vaut laisser parler le commanditaire en premier pour les tarifs, sinon on peut parfois donner un prix en dessous de ses tarifs habituels, c’est rageant ca, quand on se dit “j’aurais pu demander plus, j’en suis sur”. Je suppose qu’avec l’expérience, on en arrive a eviter le probleme, mais moi qui bosse depuis pas tres longtemps, je me suis déja fait prendre a ce jeu.
Apres pour avoir un ordre d’idée des tarifs “habituels” dans le milieu, le mieux c’est encore de parler avec d’autres illustrateurs, et faire une moyenne de ce que chacun est payé non?
Et puis faudra quand meme que je teste la méthode de Laure, ca a l’air terrible!
Serge, en effet on l’entend souvent celle-là! Il vaut mieux avoir une bonne carapace dans ce métier! La mienne n’est pas encore assez solide je crois. Encore ce matin mes collègues du boulot qui paye les factures me ressortaient la rengaine “ben tu te reposes 4 jours par semaine tu ne vas pas me dire que tu es fatiguée”.
En général ça me fait marrer mais ce matin pas. Je suis dans une phases “sans” en ce moment, je cherche, je suis un peu au bout du rouleau et c’est parfois pesant.
Encore moi! Comme je le disais au dessus je suis en train de chercher des nouvelles stratégies etc. Puisqu’on parle de “quantifier” notre travail dans ce post. Ça rejoint un autre aspect du boulot qui me turlupine.
En gros ma question serait: combien de temps passez-vous à chercher des contrats? Surtout au début ça représente énormément d’heures souvent pour rien, et c’est cela de perdu pour la productivité.
Est-ce que ça vaudrait une entrée de blog?
monsieur dutrai je suis un amateur de dessin et je peux vous dire que se que vous faite cela est vraiment ectrordinaire et remarquable et aussi ses un peu grasse a christian grenier que je suis la enfain jai vu que vous aviez iditer l un de ses livre daans la colection heure noire
réponder vite svp
Bonjour,
Je fais la gestion d’un site de jeu, j’ai souvent remarqué que nous nous heurtons aux droits d’auteurs des illustrateurs parce que nous empruntons des images pour nos avatars ou nos lieux de jeu, pour les illustrer. Ceux qui comme moi aident à la gestion du site le font en bénévoles même si nous y passons du temps, il s’agit aussi de plaisir, mais nous ne pouvons engager d’illustrateurs, nous avons eut deux bénévoles qui après deux ou trois dessins n’ont pas poursuivis.
Pourquoi les illustrateurs ne sont-ils pas intéressés par le bénévolat qui peut permettre de leur faire de la publicité. (La cité d’Elwen existe depuis 2004)
Je fais pas payer mon temps passé sur le site, je ne suis pas illustratrice et il me faut beaucoup de temps ne serait-ce que pour dessiner un simple bâton, combien de temps faut-il pour faire un dessin en noir et blanc d’un personnage, que faudrait-il offrir à un illustrateur pour qu’il ai envie peut-être pas d’illustrer tout le site mais du moins permettre à notre site d’utiliser des croquis qu’il n’utiliserait pas ?
Ce commentaire est très intéressant et il me semble que le souci ce n’est pas le bénévolat ni l’utilisation d’images inutilisées mais la diffusion sur Internet. Et l’accès facile à une œuvre, à un dessin. Comparons avec la presse. J’ai plusieurs fois accepté que certaines de mes images soient utilisées gratuitement pour des couvs ou des intérieurs de magazines. Sans rémunération, comme vous le dites pour la pub, donner un coup de pouce, etc.
L’image ne sera imprimée que sur le mag en question, à un certain tirage, etc. Son exploitation et sa diffusion sont donc limitées et plus ou moins contrôlées (dans l’absolu).
Le hic avec un site, sur Internet, et ce quelque soit l’image, c’est qu’il est quasi-impossible de limiter sa diffusion et sa réutilisation. Et qui sait, n’importe qui pourrait faire n’importe quoi avec. J’en ai déjà fait les frais avec un groupe politique d’extrême-droite qui avait repris une de mes images à son compte.
Pour ma part, je serai ok pour ce genre de réutilisation si j’avais la garantie que l’image puisse rester à cet endroit-là et utilisée comme convenu. Ce qu’Internet n’est pas encore en mesure de proposer aujourd’hui…
Il me semble, qu’à l’heure actuelle, pour rassurer un illustrateur, c’est comme pour toute utilisation d’images, un contrat est toujours bienvenu. En spécifiant les conditions d’utilisation de l’image. Bien entendu c’est lourd à gérer, ça “formalise” une relation et ça ne permet pas d’éviter la copie et la réutilisation. Mais ça permet au moins de se retourner et d’avoir de quoi se défendre et attaquer en cas de pépin. Dans les grandes lignes c’est bien la seule solution à mes yeux…