
Et mon écran c’est du papier ?!
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J’ai les idées qui bouillonnent ces jours-ci, j’ouvre les vannes. Une nouvelle réflexion, dans la série « ces trucs qui me chiffonnent ». C’est parti.
Je suis illustrateur. Dans la veine dite « traditionnelle ». C’est-à-dire que je réalise des illustrations sur papier pour qu’elles soient ensuite diffusées et imprimées sur papier, de l’édition papier. Je pars donc du papier pour retrouver le papier à fin de la chaîne. C’est l’essence de mon travail. Mon but premier, la finalité de la réalisation d’illustrations, c’est le livre dans les mains du lecteur. Ensuite, la mise en ligne sur le net, la vente en galerie, c’est le second temps, une autre vie pour les images. Quand je dessine, quand je peins, je suis dans cette démarche, le livre avant tout.
Pour passer du papier au papier, en chemin, je passe par l’ordinateur, par Photoshop & co. Désormais, je scanne systématiquement mes illustrations moi-même et les fait parvenir ensuite aux maisons d’édition via FTP. Connaissant maintenant bien mes éditeurs, je sais par exemple qu’il peut arriver que certains impriment un peu sombre ou d’autres un poil trop clair ou légèrement saturé, contrasté, etc. Rien de dramatique mais de petits ajustements à faire. Une fois mon image scannée (comme je l’explique dans Réglages et Finalisation), je la passe à la moulinette Photoshop, conversion en CMJN, les bons DPI, le bon format et là je bidouille un peu les couleurs, les tonalités, les niveaux pour ajuster l’image au mieux, en fonction de la future impression. Par exemple, pour tel éditeur, je ferai attention à ce que les noirs ne soient pas trop profonds dans mon fichier image pour que ça ne charbonne pas à l’impression ou pour un autre, je « casserai » un peu les tons clairs pour qu’ils ne soient pas « brûlés » ensuite. Grâce à ces petites mises au point, je maîtrise et contrôle la numérisation de mes images et rares sont les impressions dont je suis déçu ou contrarié. Je n’ai plus de mauvaises surprises. Tout ceci demandant encore un petit effort supplémentaire pour soigner son travail et en avoir une bonne vision d’ensemble.
Je récapitule. Je travaille sur papier, scanne et « règle » mon image pour une impression fidèle et ensuite les lecteurs ont l’image que j’avais en tête sous les yeux. Surtout – et c’est là où je veux en venir – ils ont tous la MÊME image sous les yeux. La MÊME impression.
Ce qui me chiffonne, c’est quand je mets une image en ligne. Chaque internaute, chaque lecteur, chaque visiteur a un écran différent. Et chaque écran a des réglages différents. Bien entendu, un écran peut être calibré (doit être !), plus ou moins bien. Mais il sera très difficile voire impossible d’avoir une forme d’uniformité, d’homogénéité. Je le constate à chacun de mes déplacements, que ce soit chez des amis, à Emile Cohl, dans ma famille. J’aime bien jeter un œil à la page principale du blog par exemple pour voir comment sont affichées, interprétées les couleurs sur divers écrans. C’est souvent ahurissant. Les écarts peuvent être impressionnants et l’avantage tourne rarement en faveur des images. Certains écrans vont afficher des jaunes pisseux, d’autres des rouges pas rouges, d’autres des blancs grisés, etc.
Chez moi, mes écrans sont bien calibrés, avec une sonde (comme je l’expliquais ici). J’ai confiance dans mes réglages car, à ce jour, j’ai toujours été satisfait des résultats. Entre l’original, le fichier source at home et le produit fini, peu de différences. Je considère donc que ce que je vois sur mon écran est l’image source, je pars du principe que ce que je vois est juste. Et j’ai remarqué qu’en calibrant d’autres écrans avec la même sonde et les mêmes profils, on retrouve bien (dans l’ensemble) les mêmes couleurs, contrastes et luminosité.
Ceci me permet de rebondir sur le message écrit il y a peu sur les blogs, Les blogs et les jeunes auteurs. Aujourd’hui, les éditeurs, les commanditaires sillonnent Internet et épluchent blogs, sites et galeries. Sur leurs propres écrans, avec leurs propres réglages. Et que voient-ils donc ?
J’ai pensé à tout ça dernièrement en parcourant de récentes galeries en ligne. Certaines images étaient très très – trop – sombres. Je me suis dit, je n’y vois rien, ces images sont bancales, ouhlala et hop, j’ai fermé la page. Par acquis de conscience, j’y suis retourné en me questionnant, et si l’illustrateur avait chez lui un écran réglé trop clair ? Et si au moment de scanner (ou de travailler sur écran directement !), il n’avait pas pris en compte cette problématique ? J’ai donc éclairci mon écran et là, bingo, j’ai pu profiter pleinement des images, elles fonctionnaient, c’était bien ça. Je me suis dit que finalement c’est très subjectif, peut-être que cet illustrateur aime et travaille très sombre. Mais le reste de la galerie et son interface ne collait pas, les textes étaient écrits en gris profond sur fond noir, quasi-illisibles. Il y avait de petits détails n’allant pas dans le sens du « fait exprès ».
Vous voyez où je veux en venir, je ne suis pas sûr qu’un commanditaire qui cherche sur le net et parcourt des dizaines de sites puisse, en cas de doute, prendre le temps de bricoler pour se faire une meilleure idée du travail présenté. On a vite fait de juger de travers et avoir une vision faussée… En tous cas, il vaut mieux éliminer ces doutes et faciliter l’accès aux images.
C’est pour ça que depuis quelques temps déjà, je traite différemment mes images. Quelles soient à destination du papier ou de l’écran. En gros, ce que vous voyez sur le blog et dans la galerie, ce ne sont pas les mêmes fichiers que pour l’impression. Dans l’ordre, je finalise l’image pour l’impression et ensuite, je l’adapte pour l’écran.
Bon, je suis peut-être complètement givré de me prendre la tête avec ça, peut-être un peu monomaniaque ou trop perfectionniste voire pointilleux. Mais c’est toujours dans l’optique de présenter au mieux ce que je fais. Certes c’est contraignant et ça double presque la charge de travail pour la diffusion de l’image. Mais je préfère me dire, même si c’est peut-être utopique, que je mets toutes les chances de mon côté et j’espère que j’évite ainsi ce que j’appelle le syndrome du blog « je me tire une balle dans le pied ». Quand il s’agit de mettre en avant son travail, s’occuper de sa communication (car c’est de cela qu’il s’agit), je ne crois pas qu’on puisse dire « oui mon blog il est foireux mais c’est mieux que rien ». Il me semble qu’un message transmis de travers, ça fait toujours plus de mal que si on se l’était bouclée 😉
Au passage, je suis toujours bien embêté pour répondre quand on me dit « j’ai vu vos images sur votre site mais elles sont trop sombres, ou trop claires pour nous et nos collections », « votre travail dans votre galerie n’est pas assez contrasté, les couleurs semblent enterrées »… Si j’entends ces commentaires devant un original ou devant un bouquin, pas de soucis, je serai toute ouïe mais quand c’est devant une image affichée sur un écran réglé je ne sais comment, je suis embarrassé…
Pour pousser le parallèle papier et écran, je me dis qu’un livre peut être réimprimé et les couleurs, les réglages peuvent changer un peu d’un tirage à l’autre. Mais rien de catastrophique en comparaison des massacres que l’on peut vérifier en passant d’un écran à l’autre… Le pire, c’est quand on commence à s’habituer et à prendre goût à un support bien calibré. Ensuite on ne peut plus s’en passer et se retrouver face à des couleurs dénaturées et trahies, ça fait bondir. Oui à la calibration des écrans ! Pitié pour nos yeux et pour nos images ! Démocratisons les sondes et retour aux bons vieux entretiens les yeux dans les yeux avec les éditeurs, portfolio et originaux sous le bras !
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Cette réflexion est très intéressante; et je me l’étais aussi faite en voyant mes images sur d’autres écrans, la différence avec toi c’est que le problème vient peut-être de moi qui ne m’y connais pas en réglage d’image. Ensuite, je lis régulièrement tes articles et je remarque que tu culpabilises d’être perfectionniste (“je suis peut-être complément givré”, par exemple). Je trouve moi que c’est le rôle d’un professionnel un temps soit peu impliqué dans son métier surtout lorsqu’il est artistique. Je sais aussi que beaucoup d’artistes regardent les méthodes traditionnelles et perfectionnistes avec mépris, eux les génies de la spontanéité et de l’autodidaxie, les pauvres… Pardonnons leurs, ils ne savent pas ce qu’ils font… Si je puis me permettre un conseil (à toi mon ainé en âge et en pratique professionnel) affirme donc ce jusqu’au “boutisme” et valorise le, c’est à ceux qui font preuve de laissé aller et d’ignorance de se sentir givré. Je te félicite en tous les cas de ton engagement dans la veine traditionnelle et pour ton implication à son perfectionnement. Merci aussi pour le partage dont tu nous gratifies ici.
Le problème que tu soulèves est bien connu des graphistes qui doivent réaliser des images, des couleurs en prenant en compte la différence entre ce qui est affiché sur l’écran et ce qui est imprimé. Dans ce métier, ils ont besoin d’un rendu fidèle et précis des couleurs, du contraste et pour ça y’a pas 36 solutions, faut raquer. Tous les écrans ne sont pas fait pour les jeux vidéos, c’est pareil ici. Après, le calibrage entre en jeu mais si t’as un écran merdique dès le départ, bon courage.
Merci Christophe, et non, je ne culpabilise pas mais c’est plutôt ma modestie voire ma grande réserve qui m’empêche d’affirmer haut et fort tout ceci 😉
Mon cher Sirtin, je ne suis pas entièrement d’accord. Je pense que la maxime qu’il faut raquer pour avoir de la qualité est dépassée. C’était valable il y a dix ans mais plus tout à fait aujourd’hui il me semble. C’est sûr qu’avec un écran à mille euros, on doit pouvoir se sentir rassuré. Mais d’énormes progrès ont été faits par les constructeurs et des sites comme LesNumériques avec des tests détaillés à l’appui permettent de faire le bon choix. On trouve aussi des profils clef en main pour corriger les écrans aux réglages d’usine bancals, comme sur FOCUS (http://www.focus-numerique.com.....ons-1.html).
On peut trouver des écrans aux prix raisonnables qui ont un très bon rendu (comme mon précédent, le Viewsonic VX2255wm qui avait un très très bon rendu des couleurs mais qui souffrait d’une luminosité non uniforme). Ensuite c’est à chacun de les ajuster et les régler pour que ça colle au mieux. C’est le même topo avec mon Dell qui fait partie du haut de gamme. Si je laisse tel quel, sans rien toucher, c’est bon mais pas excellent. Il faut systématiquement passer par la case « bidouilles » (c’est ce que j’écrivais dans mon message, en gros je préfère prendre la responsabilité d’un réglage plutôt que de la laisser à mon écran ou à mon éditeur). Bien entendu quand on achète le premier écran venu à Carrefour en fermant les yeux, il ne faut pas pleurer ensuite. Mais je pense que c’est un outil comme un autre et c’est la manière de s’en servir qui compte. Aujourd’hui avec Internet, les forums et les aides, je pense qu’on peut tout à fait acheter du matos correct et le pousser à fond pour passer un cran au-dessus. C’était mon cas auparavant avec un écran et du matos plutôt bon prix que j’arrivais à régler pour atteindre une bonne fidélité. Avec mon nouvel écran, une sonde, etc, je gagne surtout en confort et en précision. Je perds moins de temps à bricoler mais ça tenait déjà plutôt bien la route avant.
De toutes façons, le réglage écran parfait, la fidélité papier / écran me semble complètement utopiste. Tout simplement parce qu’une image va passer de mains en mains avant d’atteindre les librairies et les lecteurs.
Je sais par exemple que chez certains éditeurs, mon image à moi, celle qui sort de chez moi est bien comme il faut mais ensuite elle va passer à la moulinette maquettiste de l’éditeur puis à la moulinette imprimeur. Comme d’expérience, je connais déjà le rendu final chez ces éditeurs-là, je peux ajuster au mieux à la source pour éviter les pertes et les modifications qui pourraient survenir en cours de route.
En revanche, j’ai toujours une petite d’inquiétude quand c’est la première fois que je travaille avec un éditeur car je ne sais pas trop ce que ça donnera à l’arrivée. Mon binz ayant fait ses preuves, ça fonctionne généralement plutôt bien…
Je ne sais pas comment cela se passe au niveau du BAT ?
Est-ce que tu as possibilité de le voir avant validation ?
Concernant la calibration… Le sujet est épineux…
Chaque professionnel va avoir son calibrage de préférence.
Quant aux particuliers, n’en parlons pas…
Je ne vois pas ce qui peut être fait, à moins d’indiquer, “ce site est optimisé pour fonctionner avec Firefox et Tel profil ICC” 😈
Je reçois rarement les BAT et quand c’est le cas, c’est plutôt sous forme de PDF pour vérifier qu’il n’y a pas d’erreur, que ça tient la route. Je vois tout de suite si les couleurs sont dénaturées. Mais je n’en vois pas de version papier.
Hop–> https://addons.mozilla.org/fr/firefox/addon/6891
Il y a un autre facteur à prendre en compte. Bien qu’il s’agisse d’un élément “professionnel”, nombre sont ceux qui rechignent à payer pour les sondes. Heureusement, pour ceux-là (dont, j’avoue, je fais partie), il existe quelques sites gratuits pas trop mal pour calibrer son ecran. Pour ma part, j’ai utilisé ce lien : http://pourpre.com/outils/calibration.php. Et cela m’a permis de comprendre pourquoi mes illus étaient aussi immondes chez mes amis, aux écrans mieux calibrés….
Nicolas, tu pourrais développer stp ?
J’avais croisé cette extension mais apparemment elle bouffe beaucoup de ressources, 10 à 15% en plus et ralentit l’affichage des images. Mais quand on utilise une sonde, je ne vois pas bien l’intérêt. Le logiciel livré avec la sonde “injecte” le bon profil de l’écran dans la Gestion des couleurs Windows à chaque démarrage. Si je compare les couleurs dans Photoshop ou dans Firefox, elles sont identiques.
Malheureusement je ne peux pas tester cette extension car elle est incompatible avec la toute dernière version de Firefox.
C’est bien une solution en local ? Je ne saisis pas trop…
Ça faisait longtemps que je n’étais pas passée sur le site et wow, y’a plein de choses a voir!
Des tonnes de choses à lire et de quoi régaler les yeux!
Merci beaucoup de prendre ce temps de partager tout ça avec nous. : >
Le sujet de ce post m’interresse tout particulièrement parce que cela fait un bout de temps déjà que je travaille directement sur ordinateur, ou bien à partir de documents scannés mais ce n’est que récemment que je me suis rendue compte a quel point les différents écrans, calibrage et profils posaient problème.
Ma mère, photographe se plaignait tout le temps et moi je me disais “mais qu’est ce qu’elle me raconte, à propos de ses trucmuche profils ICC machins là….Ça sert a rien!”
Et grâce aux chers ordinateurs de Cohl mais aussi en allant jeter un coup d’œil chez des amis, je me suis rendue compte de la différence énorme qu’il y avait au niveau des couleurs et des contrastes sur mes images. (généralement en pire….)
C’est dans tous les cas terne et sombre.
Alors j’ai essayé plusieurs choses, farfouillé un peu sur le net, testé des tutoriaux et utilisé les utilitaires nvidia (de la carte graphique) mais il reste beaucoup trop lumineux et trop bleu.
Alors je pensais que la sonde restait la meilleure solution.
Avec d’autres camarades on se demandait s’il était possible de louer des sondes de bonne qualité, plutôt que de les acheter?
Il me semble qu’il est possible de louer les services de quelqu’un qui va calibrer l’écran mais avec la main d’oeuvre ca doit aussi chiffrer haut :<
Indirillan, la calibration « à l’œil » c’est que je faisais avant. C’était satisfaisant mais ça n’a rien à voir avec la calibration d’une sonde. A l’œil on peut arriver à caler assez fidèlement des couleurs mais pour ce qui est des gris et de la luminosité/contraste c’est ardu. Trop subjectif. Par exemple, j’étais scié de constater qu’auparavant les gris affichés de mon écran tiraient vraiment vers le rouge (je ne m’en apercevais pas du tout !), ils n’étaient pas neutre. Quand j’ai acheté une sonde, c’était vraiment beaucoup plus fin et fiable.
Je trouve que les sondes les moins chères comme la SpyderExpress2 deviennent abordables, autour de 60€. Ca vaut le coup de se mettre à plusieurs et c’est un investissement qui vaut largement son prix !
Laurence, on peut louer une sonde ou faire calibrer son écran. On m’avait dit que c’était dans les 25€. Mais le hic c’est qu’un écran chauffe et altère les réglages tout doucement au fil du temps. Dans les notices des sondes Spyder ils expliquent qu’il faudrait recalibrer son écran tous les quinze jours si on en fait un usage intensif ! Ca me semble un peu exagéré et disons 25€ tous les mois contre 60€ pour acheter une sonde, je n’ai pas tergiversé longtemps 😉
Les éditions Gulfstream me font mentir. Je viens de recevoir le BAT pour mon album SACAJAWEA. Un BAT papier ! Impec.
Salut !
En fait ce qui serait amusant, c’est de proposer à l’internaute, à la page d’accueil du site, une mosaique d’images avec de légères variantes de couleur et de contraste. Il clique sur celle qui lui plait le plus et le site est ensuite affiché avec les correctifs de couleurs adéquats.
Ce serait un mini calibrage en ligne en fait.
Ce serait marrant mais à l’opposé de ce que j’ai en tête 😉
L’idée serait plutôt d’imposer une gamme de couleurs (juste aux yeux de la personne qui a mis l’image en ligne).