
Fitness graphique
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Comme je l’ai évoqué précédemment ici ou là, l’automne et l’hiver 2010-2011 furent douloureux. Bon ce n’est pas encore gagné mais il faut bien aller de l’avant. Naturellement tout ceci a déteint sur mon quotidien d’illustrateur. On sait combien notre métier et notre passion sont intimement liés à nos états d’âmes. Je me suis donc retrouvé à ne pas pouvoir lever un crayon ni un pinceau pendant plusieurs semaines, travaillant au ralenti, en pointillé. Avec une concentration en dents de scie voire inaccessible et une jauge d’énergie dans le rouge.
Comme parfois, il arrive qu’une étincelle naisse d’une période difficile. Ce fut le cas techniquement. Durant cette période, j’ai accumulé des retards plus ou moins conséquents sur mes différents projets. Dans le but d’honorer mes commandes en cours tant bien que mal et surtout inquiet de la tournure que risquait de prendre les conséquences de mon passage à vide, je me suis ressaisi et j’ai expérimenté pour pallier au manque d’énergie et de concentration.
Le plus complexe et le plus accaparant dans mes mises en couleurs c’est la recherche et l’élaboration des couleurs. Mes « séquences » de concentration constructive étant réduites à pas grand chose, il a fallu que je trouve le moyen d’aller à l’essentiel. Pour faire simple, il ne s’agissait pas forcément d’aller plus vite (quoiqu’un gain de temps et d’exécution au passage n’est pas négligeable) mais d’arriver à faire pareil tout en se prenant moins la tête. Et je pense avoir touché au but.
Je me suis souvenu des travaux admirables de Terryl Whitlatch, en vidéo ou en artbook, réalisés pour la plupart avec des feutres. J’en ai acheté de marque Copic, Promarker et Tria pour tester. Ce fut concluant avec les Copic car ces feutres sont d’excellente qualité, l’éventail de couleurs riche et varié et j’ai eu le sentiment d’une prise en main immédiate. Ce qui m’a donc facilité la tâche en appliquant directement certaines couleurs aux feutres plutôt que de les chercher en mélangeant les acryliques.
Aussi, dans mes illustrations, il y a des zones « lisses », quasiment en aplat et d’autres plus en pâte, jouant avec les épaisseurs, « gras sur maigre ». Pour grappiller un peu de temps (et le consacrer aux autres parties de la mise en couleurs des images), j’ai fait des essais d’impression de « sous-couches ». Concluant là-aussi, les couleurs ne bavent pas et tiennent bien sous les peintures, feutres, crayons…
Ce n’est pas le grand chambardement ou la radicale remise en question mais plutôt quelques ajustements techniques pour remédier à des circonstances difficiles. Habituellement, j’imprime mes crayonnés sur du bon papier et là j’ai donc ajouté quelques couleurs en aplats à cette impression, l’équivalent d’une mise en place rapide des zones de couleurs dominantes. Ensuite j’ai travaillé les illustrations aux pinceaux et crayons comme j’aime le faire avec en plus quelques retouches et bidouilles aux feutres. Pour l’instant j’ai surtout tenté l’expérience sur de « petites » images comme les plantes ci-dessous pour un guide jeunesse dont je parlerai plus tard. J’ai testé aussi sur des images plus grandes et sur des couvertures mais dans une moindre mesure car cela me semble plus délicat sur des formats conséquents à cause des petites épaisseurs des feutres.
Dans tous les cas, il me semble que j’arrive sensiblement aux mêmes rendus qu’auparavant avec le même souci du détail, des textures et des couleurs. Comme quoi, ce n’est toujours pas l’outil qui fait l’image mais bien la main qui le tient. Et paf.
Au final, cela m’a permis de souffler un peu et je pense avoir beaucoup appris de cette période éprouvante. Aujourd’hui que ça va mieux, je pense poursuivre ainsi de temps en temps car c’est aussi une approche différente de la mise en couleurs. De la pure cuisine interne technique mais cela se révèle instructif et enrichissant.
Je suis et reste fidèle à mes pinceaux, à mon optique, à mes ambitions artistiques et à mes habitudes de travail dites « traditionnelles ». Mais à l’avenir, je réfléchirai certainement plus à quel « mode opératoire » mettre en place pour telle ou telle image, travaillant peut-être ainsi de manière moins systématique et bornée. Pour peut-être mieux répartir et adapter temps, concentration et énergie là où il y en a le plus besoin.
Si, bien évidemment, le projet à concrétiser le supporte et que cela se justifie. Les choses changent et évoluent.
« Epson GT 20000 |
| Copain comme Copic »
Toujours aussi superbe!
Je trouve les couleurs très vives et lumineuses.
Bon courage pour tout cher Vincent! 🙂
C’est marrant moi j’ai suivi le cheminement inverse… designer de formation ; j’utilisais mes feutres (des Tria) comme medium principal… et à mesure j’ai mélanger ça avec l’acrylique (la fameuse cuisine)… finalement je ne fait presque plus de tradi mais j’ai gardé une méthode très “marker” pour monter mes couleurs 🙂
C’est chouette ! Ca fait trop plaisir de voir des nouvelles illu. 🙂
C’est très chouette comme résultat et la première chose qui saute aux yeux est que vous n’avez finalement pas bouleversé le rendu final de votre travail. L’approche au feutre est très intéressante en tout cas d’autant que visiblement cette marque permet une sacré diversité de teintes! Moi, qui me contente d’avoir une approche encore très secondaire avec le dessin dont j’aimerais dans un avenir encore largement hypothétique faire une activité annexe, j’ai enfin réussi à trouver quel médium me convenait le mieux et il s’est avéré que c’est le stylo bille. Néanmoins j’expérimente aussi le pastel sec et les deux me semblent avoir une certaine complémentarité entre précision et couleur vive d’un coté et fondu, à plat de couleur pour l’autre. En tout cas quelque chose que je trouve plus “charnel” que par exemple la peinture avec laquelle je n’ai pas eu qu’une histoire d’amour…
C’est clair que le feutre est un outil très pratique pour certaines choses, on en fait de très bons maintenant. Je n’ai jamais été très ami avec les pinceaux (pas par incapacité mais par affinité) et les feutres à alcool ont été une grande découverte pour moi, pour leurs aplats hyper réguliers et leur “économie” de la feuille. Dans le même genre, les crayons Karismacolor/Prismacolor m’ont rendu de fiers services grâce à leur grande gamme de couleurs, leur capacité à se mélanger, et la précision qu’ils permettent. ^^
L’ennui avec ce genre de matériel, c’est qu’il faut en avoir une palette conséquente pour en tirer vraiment parti… Et ça coûte cher ! xD Mais quel plaisir quand on peut s’offrir un nouvel outil ; pour moi, c’est comme aller dans un magasin de jouets. 🙂
Merci en tout cas de nous faire profiter de tes expérimentations ! Ce résultat botanique est très joli, on ne te sent pas limité par les feutres.